L’hiver avait pris fin. Le cristal de convocation s’était embrasé. C’était la guerre, quelque part au nord, dans les ténèbres. Et un navire voguait vers l’occident…
Dans Fionavar, le Grand Univers dont le nôtre n’est qu’une ombre bien pâle, la puissance de Rakoth Maugrim, le dieu renégat, ne cesse de croître malgré les nombreux appuis accordés à l’armée des Lumières, conduite par Ailéron, le haut roi du Brennin, par plusieurs dieux et héros mythiques – dont Owein, le maître de la Chasse Sauvage, et Arthur Pendragon, le Guerrier revenu des morts.
Or, un ultime fil doit encore trouver sa place dans la trame complexe du Tisserand, et ce fil, c’est Darien, le fils de Jennifer et du Dévastateur lui-même. Mais jamais créature vivante, dans aucun univers, n’a été si exactement suspendue entre la Lumière et les Ténèbres…
Mon avis
J’ai très mauvaise mémoire pour les histoires que je lis, même lorsqu’il s’agit de coups de coeur, mais quand un livre me fait grande impression, j’ai tendance à me rappeler assez bien à quel point il m’a procuré de forts sentiments. Relativement peu de livres ont la capacité de continuer à évoquer de tels émotions en moi malgré le temps qui passe. Pour ne citer que la fantasy : les Pierre Bottero, évidemment (particulièrement Le Pacte des MarchOmbres et Les Âmes croisées). Le Chant d’Albion de Stephen Lawhead, que j’ai découvert à peu près à la même époque que GGK. Et La Tapisserie de Fionavar, bien entendu. Elle m’a fait vibrer lorsque j’étais adolescente et m’a encore une fois fait vibrer aujourd’hui. Je ne me souvenais d’absolument rien concernant ce troisième tome, mais c’est sans surprise qu’il m’a emportée, qu’il m’a transportée. Il ne fait que confirmer pourquoi je gardais et je garderai probablement toujours un souvenir impérissable de cette trilogie.
Ce dernier livre est une conclusion remplit d’énormément de souffrance et de tristesse. On y voit les répercussions de la guerre, les changements qu’elle amène, ou plutôt ceux qu’elle impose. Dans bien des cas, c’est une souffrance sans commune mesure que l’on nous dépeint, qui émeut par sa grandeur et sa cruauté, mais en même temps nous horrifie. C’est une guerre sans merci, qui prend tout et ne donne rien, qui détruit impartialement mais si injustement tout sur son passage.
Soyez prévenus, Guy Gavriel Kay n’épargne pas ses personnages. Combien de fois ai-je vu la mort d’un personnage arrivée, combien de fois me suis-je dit « non, non c’est impossible, il ne peut pas le faire mourir, il y aura forcément un retournement de situation et il aura la vie sauve ». Et combien de fois me suis-je trompée. Des morts tragiques, mais des morts magnifiques aussi, pleines de lumière et pleine de vie. En fait, ils sont peu nombreux à mourir, mais ils laissent un vide si grand qu’on a l’impression qu’ils ont été plusieurs à nous quitter. La Tapisserie de Fionavar, c’est l’histoire de multiples sacrifices, mais aussi d’une profonde résilience. Chaque personnage dans cette histoire a effectué un quelconque sacrifice. Pour certains, il en a été de leur vie. Pour d’autres, leur liberté ou le contrôle de leur destinée. Pour d’autres encore, leur pouvoir. Le sacrifice d’un être cher, parfois. Autant de raisons différentes qui ne pointent pourtant que dans la même direction : vers la Lumière. Et aussi difficile que celui puisse paraître, chaque personnage finit par accepter de payer ce lourd tribut. Certains s’y résignent assez vite alors que pour d’autres, c’est un combat de tous les instants, une tentative de révolte contre un destin – une trame – implacable.
Un seul être, dans cette histoire, est libre de toute destinée préalablement tracée : Darien, le petit Dari… « Jamais créature vivante, dans aucun univers, n’a été si exactement suspendue entre la Lumière et les Ténèbres ». Une phrase que je trouve splendide, sans vraiment savoir pourquoi. Darien a vraiment un destin exceptionnel et je regrette que si peu du récit, somme toute, lui soit consacré, considérant son importance dans l’histoire. Je ne sais pas précisément ce que j’aurais aimé savoir de plus, mais j’ai vraiment eu l’impression de ne pas le connaître assez. J’aurais également aimé en lire davantage sur les Paraïko, qui m’ont semblé passablement effacés. Peut-être Kay souhaitait-il conserver le mystère qui les entoure… Finalement, je trouve aussi dommage la présence quasi impromptue du dragon de Maugrim, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et qui repart aussi vite. J’aurais préféré qu’il soit complètement absent ou bien beaucoup plus présent, mais pas cet entre-deux qui n’a l’air que d’un prétexte pour la réalisation d’un autre évènement. J’ai trouvé que c’était fort mal amené.
Malgré cela, et plus encore que dans les deux premiers tomes, j’ai trouvé le style de Guy Gavriel Kay empreint d’un lyrisme incroyable. Sa plume m’a profondément touchée. C’est un travail fort probablement admirable qu’a réalisé la traductrice Élisabeth Vonarburg. Je n’ai jamais lu de GGK en VO, donc je ne peux évidemment pas juger de la qualité de la traduction, mais à voir comment j’ai été émue, je ne doute pas une seconde que le travail a été bien fait. Cela me donne bien envie de découvrir les propres oeuvres d’Élisabeth Vonarburg !
Je sais que plusieurs trouveront probablement cela ridicule, mais cette relecture m’a aussi fait réfléchir. Au sens de nos vies, à la place de chacun dans l’univers. Il m’a fait me demander pourquoi je suis là, pourquoi j’existe, quel est mon but, ma raison d’être. Et je pense que c’est extraordinaire qu’un roman puisse faire une telle chose. Peu importe que ce soit de la fantasy ou une histoire plus réaliste et contemporaine, je trouve que c’est magique à quel point les auteurs savent évoquer et faire naître des émotions en nous. Et c’est dans ces moments-là, quand je lis des auteurs comme Guy Gavriel Kay, que je ressens un immense respect envers eux.
Bref, c’est une conclusion douloureusement belle à cette magnifique trilogie qu’est La Tapisserie de Fionavar. Ce tome final nous fait prendre conscience de tous les sacrifices auxquels les personnages ont consenti et de la résilience dont ils font preuve. Guy Gavriel Kay nous livre un texte magnifiquement bien écrit qui a su m’émouvoir et me faire réfléchir. Chapeau à Mme Vonarburg pour la traduction. Tout ce que je regrette de ce tome est le trop peu d’attention accordée à Darien et aux Paraïko ainsi que l’introduction maladroite du dragon de Maugrim, mais ces petits détails ne pèsent pas bien lourd dans mon coeur. Désolée pour cette chronique qui me semble un peu émotive, mais bon, voilà, c’est l’effet que me fait GGK, que voulez-vous ! Ce fut encore une fois une relecture commune avec Taliesin; voyez son avis ici !
Cette chronique marque ma troisième contribution à mon challenge GGK !
Tomes…
T.1: L’Arbre de l’été – paru
T.2: Le Feu vagabond – paru
T.3: La Route obscure – paru
Pour d’autres avis, vous pouvez aller faire un tour sur la fiche Livraddict !